Les tentations

02/03/15 - 12H50

L'envie de maigrir est de retour. J'ai eu des troubles alimentaires graves pendant onze ans, et je ne sais d'ailleurs toujours pas ce qui s'est passé, mais il y a deux ans et demi, sans crier gare, ils se sont envolés. Je ne pensais pas m'en sortir un jour, c'était devenu une véritable identité. C'était devenu trop... naturel. Et puis mon corps est revenu normal. J'ai vécu un an et demi avec lui, l'ignorant. Jusqu'à réaliser que je n'avais jamais eu un "tel" poids. La normalité m'était devenue insuportable. J'ai fait un régime, dans mon coin. J'ai retrouvé une taille 36, douze kilos en moins plus tard. Mais mon psy s'est alarmé. Prétextant que je recommençais à penser comme une anorexique. J'ai pesé le pour et le contre. Et j'ai décidé de me stabiliser, parce que les troubles alimentaires sont terriblement destructeurs et que non, au fond de moi, je ne voulais pas rechuter, même si c'était tentant, c'est si vicieux ces troubles là.

Aujourd'hui, mon corps et moi, ça va à peu près. Ca dépend des jours. Mais l'envie de grapiller encore deux, trois kilos est revenue. Comme pour donner un but à mes journées vides et ternes. Avoir quelque chose, un défi, un quelque chose auquel m'accrocher. Juste deux, trois, ou quatre. Retrouver un "contrôle", ou son illusion. Ca m'occuperait. Ca me donnerait, oui, un but. Et la voix de la morale est là. Parce qu'on ne sait pas, je pourrai les perdre et me dire encore un, encore un autre, comme avant. Parce que je resterai fragile du côté de la nourriture, qu'on oublie pas tant d'années, d'hospitalisations, par magie. Ca restera présent. Mais la tentation et présente. Je pense me lancer, essayer de rester prudente.

Peut-être aussi que je suis fatiguée, de cette vie où jamais demain ne veut dire quelque chose. Mes RDV, nombreux, les thérapies, l'épuisement d'être moi. J'ai besoin d'un quelque chose que je domine. Contrôler au moins quelque chose dans ce bordel. Normalement, j'ai retenu la leçon, du fait de ma taille je ne dois pas descendre en dessous de 56kg. Je vise 55kg. Après tout, à un kilo près, on ne va pas chipoter.

Je sens que je devrais plutôt continuer d'être stable, là, plutôt que de réagir comme à l'époque et croire que ça va me faire du bien. Après tout, je ne me hais plus comme avant. Je ne m'aime pas non plus. On se supporte, mon corps et moi. Je pense réduire un peu. Voir ce que ça donne. De toute façon, mon psy ne me laissera pas m'amuser comme je le veux, et je ne compte pas perdre dix kilos non plus. Je sais les risques, je peux les sentir arriver. J'ai bien trop besoin d'un détail qui serait entièrement sous mon contrôle et pas sous celui des autres.