L'épreuve du Miroir
14H52
Notes d'hier.
"Le printemps a fait son entrée aujourd'hui. Et je sens que je prends trop de place. Assise à l'ombre dans le train, à côté d'une vraie brindille, je me demande si ma peau ne brille pas trop, je me demande si ma peau n'est pas trop pâlichone, je me demande si l'on ne voit que mes imperfections, celles qui me complexent et me font baisser le visage. Ma veste est dans mon sac, et moi je me sens toute nue. Trop de poitrine sous mon haut, haut qui ne cache pas mes fesses, et mes cuisses, mes cuisses découvertes et vulnérables. Mon teint qui restera clair tout l'été, parce que bronzer n'est pas quelque chose qui m'intéresse. Mon teint trop clair dont on se moque trop facilement, saupoudré de rougeurs, d'imperfections, oh je crois que je me déteste. Je baisserai le visage et je ferai comme si. Et mes cernes. Par dessus, par dessous. Mes yeux trop bleus, comme une grosse faute d'orthographe au milieu du visage. Je rentre mon ventre, pourtant pas si prédominant. Je me sens toute nue, je voudrais me dissiper, m'évaporer de ce train. Je suis de trop. Et trop vulnérable face aux yeux qui grouillent de partout."Moyenne
Je ne supporte plus mon visage. Les cheveux devant les yeux. Je me barbouille de fonds de teints inutiles. J'ai pris deux kilos. 59kg pour 1m73. Je dois redescendre à 55kg, oui, ça serait bien. Pour gommer cette entité que je n'aime plus, non. Mon poids de croisière, 58kg, IMC 19.4, ne me va plus. J'en sais rien. La haine, et rien à me mettre. J'ai rangé mes fringues, j'aurais aimé les brûler. Envie frénétique d'acheter trop, d'acheter du neuf et du nouveau pour oublier quelques temps le corps dessous.
J'en ai marre. De la vie, des efforts, des thérapies, des journées. Je me sens sur le fil, à glisser en haussant les épaules. Je sais plus. Où j'en suis exactement. Je voudrais juste que revienne l'acceptation de ces derniers mois. Et réaliser qu'il y a d'autres choses à contrôler que le poids. Non, ça ne serait pas un but, d'avoir ça, au moins ça.
Je vais avaler quelques anxios et m'allonger. Je crois que j'ai une humeur particulièrement merdique aujourd'hui.